Tanguy Ewbank est chargé de projet et data manager à la fédération RESSOURCES qui regroupe les entreprises d’économie sociale et circulaire actives en régions bruxelloise et wallonne.

Depuis plus de 20 ans, elle fédère les entreprises qui font de la récup’, telles que des activités de longue date comme la récupération des vêtements via les bulles textiles ou des plus récentes comme la collecte de déchets encombrants pour revaloriser ce qui est encore utilisable via les ressourceries. RESSOURCES développe au maximum le geste de la récupération, que ce soit en entreprise ou auprès des citoyens.

Vous développez actuellement un projet de digitalisation avec l’ensemble de vos membres. Expliquez en nous les contours.

T.E. : RESSOURCES a la chance d’être soutenue par l’ensemble des deux régions (NDLR : wallonne et bruxelloise) pour développer le secteur de l’économie sociale et circulaire, et l’un de nos principaux axes de travail est la professionnalisation. Beaucoup de nos entreprises sont des initiatives citoyennes qui se sont structurées progressivement et qui souhaitent aujourd’hui se professionnaliser. Une de nos missions est de trouver des projets communs qui permettent d’être plus performant.

Pourquoi performant ? La mission de nos membres, c’est de la réinsertion sociale, c’est de la réduction des déchets par la récupération et, aussi, créer de la valeur ajoutée économique au niveau local. Et donc plus ces activités sont efficaces, plus elles sont porteuses de sens. Dans ce but, il nous est apparu opportun d’investiguer pour une solution informatique commune. On s’est rendu compte que la plupart de nos membres étaient peu ou mal équipés et surtout de manière très disparate. L’objectif de ce projet est de mutualiser des ressources, avoir des outils similaires et une image du secteur plus professionnelle. Le projet de logiciel commun vise à suivre les produits de la manière la plus fonctionnelle possible, depuis leur collecte jusqu’à leur réutilisation, en passant par toutes les étapes logistiques. Ainsi, tant l’entreprise que la fédération et les régions auront une vue quantifiée de ce qu’elles font : chaque tonne traitée par nos membres, c’est une tonne de déchet d’évitée.

Ce projet vous le menez dans une démarche collaborative.
Comment cela s’est-il mis en place ?

T.E. : C’est lors de notre assemblée générale il y a deux ans que le projet de logiciel commun s’est dessiné : créer un outil digital en support de l’activité de terrain, un outil qui aide les travailleurs au quotidien. Dans la foulée, nous avons été sélectionnés comme projet pilote pour la transformation digitale du secteur. En 2020, nous avons alors structuré notre demande et créé un groupe de travail d’acteurs de terrain qui remontaient les informations pour identifier les besoins. Cette année, nous avons tout formalisé dans un cahier des charges exhaustif pour la recherche de prestataire de service. Ce cahier des charges liste tous les besoins opérationnels de nos membres sous la forme d’un tronc commun puis de fonctionnalités optionnelles selon les spécificités de nos membres. Après avoir choisi un prestataire, nous sommes prêts à lancer la mise en place de la mission dès le début de 2022. 

Avez-vous rencontré des réticences lors de la présentation
et de la construction du projet ?

T.E. : Sur le principe de l’outil et du logiciel, nous avons vraiment eu tout de suite une adhésion énorme. La plus grosse difficulté est apparue dans la phase de concrétisation, dans laquelle nous sommes actuellement, où il y a des choix qui se font et là, il peut y avoir des frictions. On a pris en compte les spécificités de chacun tout au long du processus, mais plus on avance dans la partie concrétisation, plus on est obligés de faire des choix. On essaie d’être le plus inclusif possible. 

 

Tout le travail préparatoire est du temps de gagné sur la phase d’installation.

Est-ce que la prise en main du logiciel a déjà été anticipée ?
Parmi vos 60 entreprises, tout le monde n’a certainement pas le même rapport à l’outil numérique…

T.E. : Exact. Nous avons déjà fait des formations lors desquelles nous avons présenté les outils potentiels. L’outil qui a remporté le marché public est déjà utilisé, parfois dans une forme plus simple, par certains de nos membres. On a toujours fort travaillé sous la forme d’écolage, c’est-à-dire que les membres se rencontrent et se forment, dans un principe de compagnonnage. Par contre, on est tout à fait conscients qu’adopter un outil numérique nécessite une maturité digitale et que certaines structures sont plus ou moins avancées sur ce plan-là. On va profiter du travail de l’Agence du Numérique sur l’évaluation de la maturité digitale pour, en parallèle à l’adoption de l’outil, préparer nos membres.

Quelles ont été les bonnes surprises depuis le début du projet ?

T.E. : Une des plus grandes satisfactions, ça a été le niveau d’adhésion et de mobilisation des acteurs de terrain. Ils sont très sollicités et ont énormément de choses à faire et qu’ils prennent du temps pour ce projet et qu’ils s’investissent de manière sérieuse et approfondie, ça a été un vrai plaisir. Pour nous, en tant que fédération, c’est gai de travailler sur des projets où les gens sont impliqués, avec une si belle dynamique.

Si vous aviez un conseil à donner à celles et ceux qui hésitent à se lancer,
quel serait-il ?

T.E. : Nous ne sommes qu’à la moitié du projet, mais ce que l’on a ressenti depuis le début, c’est qu’aucune heure de réunion et aucun entretien n’est inutile. C’est-à-dire que tout le travail préparatoire est du temps de gagné sur la phase d’installation. C’est un projet qui implique du monde et il faut prendre le temps de bien comprendre la réalité de terrain, de bien convaincre les acteurs. Ce que j’ai envie de dire c’est : « Prenez le temps de réfléchir à la solution entre vous, déterminez ce que vous voulez, analysez les moyens et les capacités dont vous disposez car tout ce que vous identifierez comme point critique à ce moment-là, ce seront des points utiles lorsque vous serez dans la phase de réalisation car vous aurez déjà les réponses à vos questions. »

 

Vous aussi, lancez-vous !